pensée. Il est même très regrettable que son exemple n'ait pas été suivi avec plus de zèle. Nous avons déjà vu, en étudiant les doctrines éléates, quelle abondante
source d’erreur se trouvait dans l’ambiguïté des mots et dans l’absence d’une claire définition des idées exprimées par eux. Si la voie dans laquelle Prodicus s’était engagé avait été suivie avec plus d’empressement, bon nombre de ces méprises, dont les ouvrages de Platon lui-même ne sont nullement exempts, auraient pu être évitées, et nous n’aurions pas à relever tant de pseudo-démonstrations a priori et de sophismes éristiques[1] ».
Sans doute, dans une discussion pilosophique, l’on ne saurait définir les mots avec trop d’exactitude. En préciser le sens, c’est aussi analyser, distinguer les idées qu’ils signifient. Nous devons donc accorder à M. Th. Gomperz que, si, dans les dialogues platoniciens, Socrate avait toujours pris cette précaution, plus d’une argutie nous eût été épargnée, maint sophisme même eût été évité. Il n’en est pas moins vrai que l'œuvre de Platon abonde en définitions de mots. On en trouvera la preuve à chaque page de notre Traité. Nous lui avons, en effet, emprunté la majeure part de nos exemples. Sur dix que nous citons, six, au moins, sont tirés des dialogues. Aussi bien, quand il ne définit pas, emploie-t-il des mots avec une telle propriété, qu'il est presque toujours possible d’extraire de sa phrase une définition. Les traités d’Aristote ne nous ont pas été moins utiles. L'Éthique à Nicomaque, entre autres, et aussi le second livre de la Rhétorique (un trésor d'observations morales !) sont de véritables répertoires pour qui veut étudier quelles différences les prosateurs attiques observaient entre les mots donnés comme synonymes par nos dictionnaires. Les historiens, eux aussi, en
- ↑ 1. Th. Gomperz, les Penseurs de la Grèce, trad. de A. Reymond t I, 2e édit., p. 451 (Paris, Alcan, 1908).
