Page:Dufour - Traité élémentaire des synonymes grecs.djvu/11

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

PRÉFACE

Dans le Protagoras de Platon[1], quand le sophiste abdéritain, plus exercé aux longs discours qu’à la discussion dialectique et humilié d’être si vivement pressé par Socrate, veut abandonner la partie, Prodicus de Céos, jusque-là silencieux, intervient pour le décider à demeurer et poursuivre l’entretien, il précise alors, en insistant sur le sens des mots qu’il emploie, ce qu’il attend des interlocuteurs et de l’assistance. Il faut que les auditeurs se rendent communs (κοινοί), mais non égaux (ίσοι) à ceux qui disputent. Ils doivent, en effet, prêter à l’un et à l’autre une attention commune et peser avec même exactitude leurs arguments, mais non point leur donner un égal assentiment : il convient d’accorder davantage à qui aura raison, moins à qui aura tort. De leur côté, Protagoras et Socrate discuteront (άμφισβητεϊν), mais ne se querelleront pas (έπίζειν) ; car on discute entre amis et pour résoudre une question d’importance ; on se querelle entre ennemis et pour avoir le dessus. Ainsi tous deux mériteront, non la louange έπαινεϊσθαι), mais l’estime (εύδοκιμείν), puisque nous louons parfois qui nous trompe, mais nous estimons qui nous découvre la vérité. Et, à suivre ce débat méthodique, courtois et désintéressé, les hôtes du riche Callias goûteront un vif plaisir, non des sens (ήδεσθαι), mais de l’esprit (εύφραίνεσθαι). Le plaisir des sens, c’est de manger, de boire, de satisfaire un besoin physique : le plaisir de l’esprit, c’est de s’instruire, de participer à la vérité.

  1. 1. Page 337 A-C.