Page:Dufour - Le Testament de Jean-Jacques Rousseau, 1907.djvu/12

Cette page a été validée par deux contributeurs.
8

formalité le fera annuller et on ne la laissera pas même profiter de mes guenilles[1]. » À la fin de l’année, il s’adrese de nouveau à Milord Maréchal, alors en Écosse, et celui-ci lui répond d’Édimbourg (2 février 1764) : « Vous les craignez [les gens de loi] pour votre petite succession : je crois que si vous faites un testament laissant à Mlle  Le Vasseur ce que vous avez, la justice ne mettroit point de scellé. Le cas, si je ne me trompe, est arrivé à la mort d’une dame angloise à Couvet. J’écris par ce courrier à Mr  Rougement[2], conseiller d’État, honnête homme, qui, je m’assure, sera bien aise de vous rendre service, ou, pour me mieux exprimer, [de] mettre Mlle  Le Vasseur à l’abri de vexations de ce qu’on appelle la justice[3]. » Sensible à cette nouvelle démarche du gouverneur de la principauté de Neuchâtel, Rousseau le remercie en ces termes : « Je suis touché de ce que vous avez écrit à M. le conseiller Rougemont au sujet de mon testament. Je compte, si je me remets un peu, l’aller voir cet été à Saint-Aubin, pour en conférer avec lui[4]. »

Dans la correspondance imprimée, il existe une lettre adressée à M. Martinet, châtelain du Val-de-Travers. Jean-Jacques y déclare qu’il part « pour la patrie des âmes justes » et qu’il laisse « en toute confiance » Thérèse sous la protection de ce magistrat. « Tout le monde, » dit-il, « approuvera ce que vous aurez fait pour elle, et Milord Maréchal, en particulier, vous en saura gré… Je vous fais remettre un testament qui peut n’avoir pas toutes les formalités requises : mais s’il ne contient rien que de raisonnable et de juste, pourquoi le casserait-on ? Je me fie bien encore à votre intégrité dans ce point[5]. »

Cette lettre ne portant aucune date, on ne saurait dire si elle est antérieure ou postérieure à la démarche projetée auprès de M. Rougemont et s’il faut la classer[6] en 1763 ou en 1764. A-t-elle

  1. Lettres de J.-J. Rouseau à Mme  Boy de la Tour, publ. par H. de Rothschild, 1892, p. 54.
  2. François-Antoine Rougemont (1713-1788), conseiller d’État 1758.
  3. G. Streckeisen, t. II. p. 98.
  4. Œuvres, édit. citée, t. XI, p. 125, 23 mars 1764.
  5. Œuvres, t. XI, p. 81.
  6. La place (milieu de l’année 1763) que les éditions lui assignent en général est purement arbitraire. — Sans voir que cette lettre était déjà connue, G. Streckeisen l’a donnée de nouveau, Œuvres et correspondance inédites, p. 416, avec la date « 1764 ou 1765. »