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Laforgue oppose en un ingénieux et probant parallèle, « l’œil impressionniste » à « l’œil académique ». — « Dans un paysage baigné de lumière, dans lequel les êtres se modèlent comme des grisailles colorées, où l’académique ne voit que la lumière blanche, à l’état épandu, l’impressionniste la voit baignant tout non de morte blancheur, mais de mille combats vibrants, de riches décompositions prismatiques. Où l’académique ne voit que le dessin extérieur enfermant le modelé, il voit les réelles lignes vivantes sans forme géométrique, mais bâties de mille touches irrégulières, qui, de loin, établissent la vie. Où l’académique voit les choses se plaçant à leurs pians respectifs réguliers selon une carcasse réductible à un pur dessin théorique, il voit la perspective établie par les mille riens de tons et de touches, par les variétés d’états d’air suivant leur plan non immobile, mais remuant ». — Ailleurs : « L’impressionniste voit et rend la nature telle qu’elle est, c’est-à-dire uniquement en vibrations colorées. Ni dessin, ni lumière, ni modelé, ni perspective, ni clair-obscur, ces classifications enfantines : tout cela se résout en réalité en vibrations colorées et doit être obtenu sur la toile uniquement par vibrations colorées ».

Rattachant cette définition à sa philosophie, Laforgue observe que « l’œil impressionniste est dans l’évolution humaine l’œil le plus avancé, celui qui jusqu’ici a saisi et a rendu les combinaisons de nuances les plus compliquées connues ». Cette évolution se tait dans le sens même du spectre, c’est-à-dire du rouge au violet. On comprend maintenant que l’impressionnisme soit