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Selon Taine, l’artiste, peintre ou sculpteur, qui vêt son personnage de l’habit à la mode se restreint à n’exprimer qu’un caractère secondaire. Le vêtement, au surplus, n’est qu’un dehors et un décor ; on peut l’ôter en un tour de main ». — « Et après ? réplique Laforgue ; c’est un dehors ; ce dehors m’importe à moi, peintre, autant que votre dedans, psychologue. Puis ce dehors, ce décor (même en notre temps submergé, paralysé par la confection), c’est la physionomie, le geste, le beau, l’intéressant de mes personnages. « — Ajoutez que ce costume, on peut le bien ou le mal porter. Vous y discernez « d’infinies nuances selon le rang, la pose, le caractère individuel, l’heure, l’occupation « . Mais surtout, — « je ne vois que des gens habillés. Le « tour de main » ne signifie rien. — « La toilette qu’on ôte en un tour de main est aussi précieuse que celle qu’on se greffe « ; et par celle-ci Laforgue entend la coupe de la barbe et des cheveux, la propreté de la peau et des ongles, les manières et l’allure, qui sont aussi une toilette. Il conclut : — « Une bonne aquarelle d’Eugène Lami, un salon de Nittis, tous les Hollandais, un bar de Manet, m’intéressent autant, moi, cœur humain à œil d’artiste, autant qu’une fête de Véronèse ou toute autre œuvre où il y a plus souci du corps humain dans ses « caractères stables ».

Ces « caractères stables » ne se rencontrant que dans le nu, c’est sur la sculpture grecque, sur l’Hellène harmonieusement développé par la gymnastique que Taine modèle son idéal. — « Votre tort, objecte Laforgue, est de chercher par des voies morales, littéraires, spiritua-