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dait l’Europe de ses turlupinades. Ce n’est pas seulement le Christianisme dont Voltaire a fait une farce aussi dégoûtante que puérile, c’est encore les mœurs, la fidélité conjugale, le désintéressement, toutes les vertus domestiques ; il n’a jamais articulé net le dogme d’une vie à venir, et il l’a rendu mille fois ridicule. Est-il permis de confondre un pareil homme avec un écrivain qui, à chaque page, brûle de l’amour de l’honnêteté et des vertus ? Rousseau ne sera lu, ne sera goûté que des âmes encore pures. Le mal que peuvent faire à l’esprit de quelques personnes la Confession du Vicaire et ses apologies porte le remède avec lui par la sainteté de sa morale prêchée avec cette éloquence de sentiment qu’il a eu seul et qu’il emporte au tombeau. Quelqu’aient été ses faiblesses, ses caprices, ses torts réels, il sera toujours un homme et un écrivain respectable. Malgré les reproches que vous seriez fondé à lui faire[1], je me persuade que votre opinion ne diffère point de la mienne.

M. L. n’a lu J.-J. qu’en courant, surtout l’Émile, qu’il regarde comme une bêtise, à ce qu’il m’a dit, vu que l’Éducation en est une ; il promet de le relire, mais son jugement est fait, il ne lira que ce qu’il a jugé. Il laisse absolument échapper la plus admirable occurrence de frapper du coup mortel nos philosophes. Au lieu de faire de Rousseau leur porte-massue, il fallait le peindre les écrasant de la sienne, et n’étant devenu l’objet de leur haine que pour n’avoir pas voulu devenir le complice de leurs doctrines. Telle est l’exacte vérité, ils l’ont regardé

  1. Voltaire fit imprimer un libelle contre Jean-Jaques, en le faisant attribuer à Vernes. Jean-Jaques, très-irrité, ne ménagea pas à ce dernier les termes de son indignation, et ne fit jamais qu’une demi-rétractation, malgré les preuves qu’il avait eues de l’innocence de son ancien ami.