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Ce serait le revenu net de chaque citoyen, d’où que vienne ce revenu, qui servirait de mesure à l’impôt. Ce ne serait pas autre chose que l’application moderne de la fameuse dîme royale de ce bon philanthrope qu’était Vauban, lequel proposait en 1707 précisément ce qui est proposé ici, c’est-à-dire remplacer les impôts illogiques, absurdes, arbitraires, par des impôts rationnels correspondant aux facultés vraies des citoyens.

Cette même statistique nous révèle les faits suivants : les hospices, asiles d’aliénés, incurables, de retraites, les pauvres, les bureaux de bienfaisance, les dépôts de mendicité, ont payé en 1902, pour leurs propriétés foncières appartenant à 19.462 établissements, et comprenant 241.620 hectares, une contribution foncière en principal de 917.745 francs, plus une taxe de main-morte de 803.062 francs.

Peut-on imaginer un impôt aussi mal fondé en raison et en bon sens ? Ne dirait-on pas que c’est un reste de notre vieille fiscalité qui avait soin de tomber surtout sur la misère… Ici, c’est même pire, car cette ancienne misère comprenait au moins des gens pouvant encore travailler ; ici, c’est la misère incurable, impuissante, une vraie main-morte, celle-là. À quoi, en effet, est appliqué le revenu de ces terres ? À soulager l’incapacité de travail, la pauvreté sans remède, la misère irréductible. Et on va frapper de près de 2 millions d’impôt chaque année le produit de ces biens au profit de qui ? Au profit de l’État, ce qui veut dire au profit de la collectivité des citoyens, laquelle collectivité, en vertu du principe moderne de solidarité et de mutualité, est précisément tenue de pourvoir à l’entretien de ses membres malheureux. Quel étrange