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qu’on ne le suppose. Avec notre organisation sociale, ou, plutôt, notre désorganisation actuelle, on a vu, en moins d’un siècle, certaines familles arriver, par la spéculation, l’agiotage, le jeu de bourse, l’usure légale ou illégale, à posséder un capital de cent millions, par exemple. En admettant, contre toute probabilité, car la soif de l’or est insatiable, que le possesseur de cette masse d’or, la prête à 3%, ce qui donne trois millions à la fin d’une année, 30 millions en dix ans, 300 millions en cent ans, et même plus d’un milliard, avec l’intérêt composé, voilà une famille qui devient, par ce fait, à peu près maîtresse des destinées de toute une population qui lui paie cet effrayant tribut. Et ce tribut ne ferait qu’augmenter si, à titre de correctif de cette pompe aspirante, la loi n’empêchait pas l’épuisement de la masse, par la progression de l’impôt qui ne fait que répondre à la progression mathématique du capital.

Pour peu que l’on pousse à fond l’examen des causes cachées de l’état d’anarchie de notre société économique, on trouve que c’est le prêt à intérêt qui a le plus efficacement démoli l’édifice social. Il a modifié tous les rapports entre le travail d’une part et le capital d’autre part, devenu infiniment plus puissant entre les mains de celui qui le possède. Les anciens arguments en faveur de la proportionnalité de l’impôt étaient acceptables, quand il y avait aussi proportionnalité entre le capital et le travail. Aujourd’hui, il n’en est plus ainsi. Le capital, avec son intérêt, est devenu progressif. À son tour, pour rétablir l’équilibre, il est utile d’instituer un nouvel élément de combat au profit du travail. C’est dans l’intérêt, dans l’usure légale, ou non légale, que se trouve la force