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avec raison que les millions mieux répartis produiraient les mêmes effets. Au lieu d’un seul actionnaire fournissant un million et devenant maître d’une entreprise, il y en aurait mille donnant mille francs chacun, et profitant tous des bénéfices du travail. À aucun point de vue on ne peut trouver un intérêt général à faciliter la formation des fortunes énormes ; elles ne peuvent se former qu’au détriment de tous.



Certains membres de l’école libérale, dit M. Weill[1], sont demeurés inébranlables dans leur optimisme ; le régime économique d’aujourd’hui leur paraît pleinement satisfaisant. Cet état d’esprit se manifeste, par exemple, dans les lignes suivantes de M. Émile Ollivier[2] : « Prenez un acte quelconque de la vie du riche, de ses plaisirs, de sa sensualité, de son luxe, de ses folies, je ne parle pas de ses vertus ; loin d’y trouver un détournement, vous y verrez une distribution faite au profit de celui qui n’a rien par celui qui a trop. Ses indigestions font vivre les médecins et les pharmaciens ; sa vanité sustente les parasites ; son luxe enrichit les artistes ; son indolence entretient de nombreux serviteurs. »

N’est-ce pas là une éclatante critique de la richesse poussée jusqu’à l’abus ? l’écrivain croit rendre cet abus excusable jusque dans le plus mauvais emploi de la

  1. Histoire du mouvement social, page 464 (Alcan, 1905).
  2. Solutions politiques et sociales, 1894, in-12, p. 40-41.