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buable tombera un jour ou l’autre dans le piège qu’il a cru tendre à l’État. Le fisc n’aura pas même besoin de courir pour le prendre, comme dit l’autre.

M. Kergall demanderait à l’impôt sur le revenu une précision mathématique. Moi aussi ; en tout cas, cette exigence est singulière chez un économiste qui avoue partout que la fiscalité actuelle est incapable d’y arriver. Je prétends que la réforme proposée sans atteindre cette fameuse précision mathématique, s’en approchera davantage par l’effet des précautions prescrites et résoudra mieux la question de la justice dans l’impôt, justice absolument absente aujourd’hui. Et puis lorsque, comme chez nos voisins, la presse publiera les amendes infligées aux fraudeurs, comme on publie les condamnations pénales, la monomanie de la dissimulation tendra à disparaître peu à peu comme disparaissent certaines épidémies par l’effet d’une meilleure application de l’hygiène.

Le même critique ajoute que l’impôt sur le revenu est un crime contre la paix sociale et la patrie. Nos impôts actuels ne sont donc pas des impôts sur le revenu ? L’aveu est bon à retenir ; les faits prouvent jusqu’à l’évidence en effet qu’ils n’attaquent pas les gros revenus, qu’ils dilapident le produit du travail, qu’ils absorbent et détruisent le capital de la petite propriété. Bien installé dans le camp des millionnaires, notre critique, que je critique à mon tour, ne voit rien de mieux que d’y rester. Il sait bien ce qu’il fait et pourquoi il le fait. Pas d’impôt sacrilège sur la haute banque et la féodalité financière ; c’est la clé de voûte de notre bel édifice social. Le capitalisme moderne exige qu’on immole sur l’autel du veau d’or