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de situation. Pourquoi cette choquante inégalité en faveur du rentier qui ne produit rien, en tant que rentier, et au préjudice du travailleur, de celui qui produit la richesse. Si nous trouvons cela naturel, c’est sans doute par l’effet d’une lointaine tradition, d’une mentalité héréditaire remontant peut-être à la fiscalité romaine, en passant par la longue période du moyen âge, avec la taille arbitraire et la corvée à merci pour tout principe. Vingt siècles et plus ont façonné nos esprits à cette étrange conception et nous éprouvons aujourd’hui la même difficulté à nous en débarrasser que nos anciens, au sujet d’autres erreurs ou autres ignorances. Nous rions aujourd’hui de la nature qui avait horreur du vide jusqu’à trente-deux pieds, du ciel tournant autour de la terre, de l’histoire et de la géographie à la mode d’Hérodote. C’était de la science, cependant. Sommes-nous bien sûrs que nos descendants ne seront pas surpris de notre système fiscal, de notre prétendue science économique, lorsqu’une plus généreuse conception, et surtout une plus généreuse application des principes de justice auront modifié nos institutions ?

À titre d’exemple des modifications que le temps et le progrès amènent, je peux citer ce passage de l’Histoire de la Civilisation française, par M. Rambaud : « Le colon, attaché à la glèbe, trouve dans cette servitude même une garantie ; si la terre est vendue à un autre maître, il n’en est point séparé, pas plus qu’on ne peut le séparer de sa femme et de ses enfants. On n’a pas de ces scrupules pour l’esclave : on vend l’homme sans la terre, le mari sans la femme, le père sans les enfants. Le colon et l’esclave sont tous deux une