Page:Dufay - L’Impôt Progressif en France,1905.djvu/434

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

uns[1]. Tous les historiens, philosophes et moralistes ont attribué sans hésiter cette dislocation de l’ancienne société aux effets destructeurs de l’usure.

C’est dans cet état des choses que le Christianisme est venu à son tour proscrire d’une manière plus formelle encore le prêt à intérêt. Mutuum date nihil inde sperentes, dit St-Luc. Les premiers chrétiens observèrent rigoureusement cette recommandation ; et le droit qui en est sorti, appelé plus tard droit canon, maintient jusqu’à la fin du XVIIIe siècle la proscription absolue du prêt à intérêt. L’un des derniers monuments en cette matière est le grand ouvrage publié par les ordres du cardinal de Noailles, archevêque de Paris, en 1739, intitulé « Conférences de Paris sur l’usure et la restitution » où l’on concilie la discipline de l’Église avec la jurisprudence du royaume de France (dernière édition — Paris, veuve Estienne et fils, rue St Jacques à la Vertu 1748). Ce curieux ouvrage donne une idée de la lutte que le droit canon, c’est-à-dire le droit chrétien a dû soutenir contre les abus et les habitudes usuraires qui avaient fini par être tolérés par le droit romain, c’est-à-dire le droit païen. Dans l’intérêt des classes laborieuses et pour les défendre contre l’avi-

  1. Le prêt à intérêt étant interdit par la loi Gabinienne entre les gens des provinces et les citoyens romains, et ceux-ci ayant pour lors tout l’argent de l’univers entre les mains, il fallut les tenter par de grosses usures qui fissent disparaître aux yeux de l’avarice le danger de perdre la dette. Et comme il y avait à Rome des gens puissants qui intimidaient les magistrats et faisaient taire les lois, ils furent plus hardis à prêter et plus hardis à exiger de grosses sommes. On n’avait que trop besoin d’emprunter, ne fût-ce que pour subvenir aux besoins des armées, aux rapines des magistrats, aux concussions des gens d’affaires et aux mauvais usages qui s’établissaient tous les jours. Esprit des lois — livre 22 chap. 22)