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Il convient de nous expliquer ici à ce sujet avec une entière indépendance, et nous allons le faire en donnant le plus de clarté possible à cette question généralement mal comprise.

D’abord il ne s’agit pas d’expropriation, c’est-à-dire de déposséder qui que ce soit d’un capital quelconque ; ou plutôt, si le mot devait trouver place dans cette discussion, il faudrait l’appliquer au rôle économique que joue le possesseur du capital de plus d’un milliard qui, en percevant comme intérêt, c’est-à-dire comme usure, plus de 40 millions par an, exproprie en réalité le produit du travail que ce capital énorme met en œuvre en l’exploitant. Le mot, comme on le voit, serait donc déplacé. Mais, écartons le mot et examinons la thèse comme problème économique général, sans application individuelle.

On croit que c’est exproprier un capitaliste que de lui faire rendre à la société sous forme d’impôt, à partir d’une certaine limite, ce qu’il a tiré de la société sous forme d’usure. À ce reproche je réponds que d’abord l’usure n’est pas de droit naturel, comme nous l’expliquerons en quelques mots plus loin, enfin que l’État ne prélève aucune fraction de son capital à ce milliardaire, qu’il empêche seulement celui-ci de continuer à prélever à son profit personnel le produit du travail des autres, lorsque, par l’usure, il est arrivé à un maximum de gain qui ne correspond plus à aucun travail de sa part. C’est contre les excès de cette autre expropriation que je défends la société, d’abord par la progression de l’impôt jusqu’à une certaine limite à fixer avec mesure, ensuite par l’impôt absorbant au-dessus de cette limite la totalité du revenu.