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« Notre malheureux propriétaire a fait savoir à toute la région, par la voix de la presse, en une alléchante annonce, qu’il demandait un fermier pour l’exploitation de son fonds. L’annonce répétée des mois entiers, chaque dimanche, est demeurée sans écho.

« Devant cette grève de fermiers, on a dû prendre un parti et tenter de louer par parcelles ce qu’on ne trouvait plus à céder en bloc. Or, qu’est-il arrivé ?

« Le meilleur de la ferme a trouvé preneur ; des terrains de moyenne valeur, personne n’a voulu ; et le propriétaire se voit condamné à laisser incultes des terres qui avaient jusque-là fait vivre leur homme. Et pour comble de bonheur, ces terres incultes paieront le même impôt qu’un fonds en plein rapport. Le cultivateur qui exploite lui-même son bien de famille ne se voit pas en meilleure posture. Les enfants, fascinés par tout ce que les villes promettent de succès et de jouissances, ont quitté le toit paternel. Il ne peut, seul et déjà affaibli, labourer tous ses champs et soigner toutes ses prairies.

« Les ouvriers et domestiques, quand il s’en trouve, exigent des salaires exorbitants. Il ne reste que deux solutions : louer à d’autres cultivateurs déjà sur chargés de travail, ou laisser en friches les terres qu’on ne peut cultiver soi-même. Force est bien le plus souvent de prendre ce dernier parti.

« C’est ainsi que le mal va sans cesse en s’aggravant, et que nous devons nous attendre, si la situation ne change pas, à voir, avant cinquante ans, tristement abandonnée, la moitié du sol labourable.