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En présence de ce grave péril, malgré toutes les démonstrations et l’évidence même, il reste des doutes consolateurs chez un grand nombre. On veut bien reconnaître que la population des villes augmente au détriment des campagnes, mais on trouve excessives les alarmes des économistes à ce sujet, et on s’endort dans le calme le plus parfait.

« Cette façon d’envisager les choses, selon moi pleine d’illusions, a pourtant une excuse. En réalité, le mal, né il y a cinquante ans, suit une marche lentement progressive, et ne portera qu’avec le temps toutes ses conséquences.

« On se tranquillise parce que la face du pays n’a pas sensiblement changé, que le pain ne manque à personne, et que les villes suffisent toujours à contenir leur vieille et leur nouvelle populations. C’est se bercer d’une fausse sécurité. Le danger, pour n’être pas immédiat, n’en est pas moins redoutable.

« Les premiers effets de la désertion des champs me semble présager, pour un avenir plus rapproché qu’on ne l’imagine, d’effroyables catastrophes. À l’heure qu’il est, le mal se traduit dans nos villages par de vastes espaces, autrefois productifs, maintenant incultes.

« Ici, un propriétaire vieilli ou infirme, incapable de faire lui-même valoir ses terres, a vu son fermier le quitter, emportant la redevance de plusieurs années. Ces retards dans le règlement des comptes, disons-le en passant, sont devenus, d’exceptionnels qu’ils étaient naguère, la règle à peu près générale.