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Cette page est l’une des plus curieuses de la dissertation de M. de Resnes. Oui, certainement, l’impôt que l’enquête Méline a révélé comme atteignant le quart du produit agricole, non seulement empêche le travailleur d’arriver a la propriété ; il fait même, tous les jours, disparaître le petit propriétaire. Dévorée par l’impôt, par le prix des machines, les frais de procédure, l’intérêt de la dette, le fermage, la petite propriété disparaît chaque année et laisse partout en friches des terres autrefois cultivées. Quel rôle joue ici la question du morcellement. La statistique est là : les 7, 466, 000 individus possédant de 1 à 2, 000 fr. sont-ils de véritables propriétaires ? Et même les 3, 400, 000 possédants de 2 à 10, 000 fr. (en moyenne pas même 5, 000), peuvent-ils compter comme propriétaires vivant de la culture, lorsque ces 11, 000, 000 d’individus, formant plus des neuf dixièmes des travailleurs, possèdent ensemble beaucoup moins que les 10 ou 12, 000 millionnaires qui occupent le dessus de l’échelle. Il n’y a pas à discuter avec ces chiffres. Que prouve le morcellement, c’est-à-dire la division du sol en parcelles ? chacun sait que tel domaine valant cent mille francs renferme souvent de cinquante à cent parcelles.

Que reproche-t-il ici aux paysans d’être fainéants et ivrognes ? Toute proportion gardée, il y en a probablement moins que dans les autres classes de la société. J’ai vérifié que, sur cinquante-sept familles de fermiers, après deux ou trois générations, un demi-siècle et même un siècle de rude travail, quatre familles seulement sont arrivées à posséder un petit domaine, et que leur sort ne vaut guère mieux, le fisc s’acharnant, sous toutes les formes, à leur enlever chaque année 20 ou 25 % de leur produit, et mena-