Page:Dufay - L’Impôt Progressif en France,1905.djvu/254

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pensation très supérieure à la perte qu’il éprouverait et il aurait la satisfaction de laisser tranquilles deux millions de travailleurs qui se plaignent d’avoir soif et quelquefois d’avoir faim.

Eh bien, il paraît que c’est impossible, et c’est pour cela, sans doute, que cette idée simplice n’est venue à personne. Imposer les millions ? y pensez-vous ? N’est-il pas plus naturel d’obliger contribuables et fonctionnaires à compter des millions de bouteilles, des milliards de pommes, de pieds de vigne, d’arpenter des terrains, de faire des calculs à troubler la cervelle d’un Pascal ou d’un Newton ? Imposer des millions, c’est ce qu’on n’a jamais vu en France, cette terre d’élection de la justice, de l’égalité et de la liberté.

Tout ceci rappelle cette boutade d’un académicien qui ne dédaignait pas de faire quelques promenades plutôt gaies sur ce terrain de l’économie sociale, pourtant semé de tant d’épines et de cailloux pointus :

« Tant que l’État se contente des ressources que lui fournissent les pauvres, tant qu’il a assez de subsides que lui assurent avec une régularité mécanique ceux qui travaillent de leurs mains, il vit heureux, tranquille, honoré. Les économistes et les financiers se plaisent à reconnaître sa probité. Mais dès que ce malheureux État, pressé par le besoin, fait mine de demander de l’argent à ceux qui en ont et de tirer des riches quelques faibles contributions, on lui fait sentir qu’il commet un odieux attentat, il viole tous les droits, manque de respect à la chose sacrée, détruit le