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rante millions à mon budget que j’ai tant de peine à mettre en équilibre. Où retrouver ces millions ?

Vous pensez que, parmi nos six cents députés il y en aurait eu au moins un pour songer à ces vingt mille millionnaires, qui bouillent un crû autrement abondant que nos deux millions de petits vignerons qui ne peuvent même vendre leur vin qu’avec perte. Quelle erreur ! En Angleterre, en Prusse, en Autriche, en Italie, en Suisse, en Suède, en Espagne, la question a été résolue sans hésiter, en pareil cas. Chez nous ces bouilleurs en grand, ces brasseurs de millions sont intangibles ; le fisc n’ose pas y toucher. Leur alambic de la place de la Bourse fait distiller à leur profit chaque année des millions par centaines et par milliers, prélevés sur le travail national tout entier ; il enrichit quelques douzaines d’agioteurs, de pirates de la finance, et vous croyez qu’on irait mettre des scellés audacieux sur cet alambic-là ? Que vous connaissez peu Plutus, ses pompes et ses œuvres !

Et, cependant, combien facile il serait d’aveugler cette fissure de trente-cinq millions faite au vaisseau de l’État, afin de le maintenir à flot, pour que « fluctuat, nec mergitur ».

Nos vingt mille possesseurs de millions représentent soixante-dix milliards au moins (voir M. Neymarck). En les taxant à 500 francs par million, cela donnerait exactement les trente-cinq millions demandés. Et, si l’on appliquait ici la progression, même très modérée qui consisterait à demander cinq cents francs au premier million, six cents francs au second, sept cents au troisième, le fisc obtiendrait une com-