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ceci donnerait la note vraie, au lieu de la fausse note populaire qui attribue des millions à celui qui a cent mille francs, ou proclame ruiné le négociant riche qui a fait une perte retentissante de dix ou vingt mille francs. La liberté se corrige de ses propres défauts ; il en est de même de la vérité en matière fiscale.

Où est l’inconvénient à ce que le public sache que le citoyen X paie 9.692 francs d’impôts cantonal et communal, comme à Zurich, ou 4.300 francs, comme à Neuchatel, parce qu’il possède 40.000 francs de revenus nets. Au contraire, ce chiffre d’impôts, connu du public, atténue le sentiment d’envie et de jalousie qu’une grande fortune peut inspirer, sentiment moins fréquent du reste, qu’on ne le suppose. Nous avons constaté dans un village suisse qu’un riche propriétaire, portant un nom historique, est entouré de la considération publique par ce fait d’avoir déclaré loyalement sa fortune et de payer, à lui tout seul, plus d’impôts que tout le reste des habitants. Voilà, dit-on, un riche, qui, au moins, sait remplir son devoir. Au surplus, pourquoi craindrait-on une certaine publicité donnée à la fortune des citoyens ? La fortune honorable n’a aucune raison de se cacher, si ce n’est cette mauvaise raison qui pousserait le possesseur à se soustraire au paiement de l’impôt. Produite par le travail, conservée par une sage économie, consacrée à des travaux utiles à tous, elle sait qu’elle doit payer son large tribut à l’État qui, en échange, en assure la protection et la conservation. Ce sont là les motifs et les sentiments qui ont dicté aux législateurs de la plupart des États de l’Europe, les lois admettant la progression dans la répartition des charges publiques.