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inquiéter. Quelque riche spéculateur s’enrichissant par le travail, peu rétribué, d’ouvriers employés dans des ateliers souvent malsains, verrait son industrie augmenter sa fortune moins rapidement, personne d’autre n’y trouverait à redire. On dirait que J.-J. Rousseau a voulu répondre à cette objection dans sa dernière lettre à M. Bordes : « Le luxe nourrit cent pauvres dans nos villes, et en fait mourir cent mille dans nos campagnes. L’argent qui circule entre les mains des riches et des artistes pour fournir à leurs superfluités est perdu pour la subsistance du laboureur ; et celui-ci n’a point d’habit, précisément parce qu’il faut du galon aux autres. Le gaspillage des matières qui servent à la nourriture des hommes suffit seul pour rendre le luxe odieux à l’humanité. Mes adversaires sont bien heureux que la coupable délicatesse de notre langue m’empêche d’entrer là-dessus dans des détails qui les feraient rougir de la cause qu’ils défendent. Il faut des jus dans notre cuisine, voilà pourquoi tant de malades manquent de bouillon. Il faut des liqueurs sur nos tables, voilà pourquoi le paysan ne boit que de l’eau. Il faut de la poudre à nos perruques, voilà pourquoi tant de pauvres n’ont point de pain ».

Nous voyons, aujourd’hui, se renouveler le même phénomène économique qui inspirait à Rousseau la critique qui précède : d’un côté, les charges qui pèsent sur le travail agricole empêchent la population rurale de trouver le moyen de vivre du produit de ses champs ; d’un autre côté, les richesses accumulées dans les villes par les grandes industries et les énormes capitaux acquis ont permis ces installations qui ont sup-