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le droit canonique fondé sur ces traditions et ces préceptes, n’ont pas eu pour but, comme on le reproche aujourd’hui à l’impôt progressif, de tendre au nivellement des fortunes, mais uniquement de maintenir entre les hommes une certaine égalité. Ils ont empêché ces monstrueuses accumulations de richesses modernes entre les mains de quelques-uns, et cet immense nivellement dans la misère qui se traduit aujourd’hui en France par plus de 5 millions cinq cent mille individus incapables de vivre du produit de leur travail[1]. L’impôt sur le revenu, même progressif, ne détruira pas non plus les grandes fortunes ; il en diminuera un peu les excès. Les ministres illustres, les classes sociales vraiment supérieures, qui l’ont adopté chez nos voisins savent parfaitement que cet impôt n’a pas pour but non plus d’arriver à un nivellement des fortunes, absolument impossible, mais qu’il est simplement un sage obstacle à l’expropriation universelle des travailleurs au profit de quelques-uns.

Parce qu’il présente quelques difficultés dans l’application, parce qu’il choque quelques-unes de nos traditions et nos routines héréditaires, faut-il abandonner un bon principe, une loi salutaire ? Un progrès s’est-il jamais réalisé dans la science, dans les lois, dans les institutions, sans qu’il ait fallu lutter contre des préjugés et un certain état social fondés sur des habitudes invétérées.


  1. Le budget total de l’assistance publique s’est élevé en 1898 à 236 millions. Les statistiques officielles évaluent à cinq millions et demi le nombre des personnes assistées. (Économie Sociale, M. Rubat du Mérac, avocat à la Cour d’appel, Paris ; Bloud 1903). C’est donc un septième de la population qui est dans l’impossibilité en France de vivre par son travail, et la charité privée fournit au moins 250 millions, c’est donc une somme de cinq cents millions consacrés chaque année à corriger dans une faible mesure les effets déplorables de notre système économique. L’impôt mieux réparti les atténuerait en grande partie.