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reux, d’un muid de cidre, en fait trois, en y ajoutant les 2/3 d’eau, comme il se pratique très souvent, il est aux risques de tout perdre, et encore de payer une grosse amende ; il est bien heureux quand il en est quitte pour payer l’eau qu’il boit ». Voilà les détails donnés par Vauban. Alors, pourquoi cette crainte de la taille, que l’on préfère payer 45.000 livres au lieu de 25.000 ? Vauban nous le dit : « Tout cela, néanmoins, n’est compté pour rien, quand on considère que, dans les paroisses taillables, ce n’est ni la bonne ou mauvaise chère, ni la bonne ou mauvaise fortune qui règlent la proportion de l’impôt, mais l’envie, le support, la faveur et l’animosité, et que la véritable pauvreté ou la feinte y sont presque toujours accablées. Que si quelqu’un s’en tire, il faut qu’il cache si bien le peu d’aisance où il se trouve, que ses voisins n’en puissent pas avoir la moindre connaissance… Je puis encore rapporter ici ce que j’ai appris en passant à Honfleur, qui est que les habitants, pour se soustraire à toutes les misères et à toutes les vexations qui accompagnent la taille, se sont non seulement abonnés pour la somme qu’ils avaient coutume de payer chaque année, qui est de 27.000 livres, mais qu’ils se sont encore chargés, pour obtenir cet abonnement, d’une somme de 100.000 livres qu’ils ont empruntée et dont ils payent l’intérêt, pour fournir aux réparations de leur port, tant les désordres causés par l’imposition et la levée des tailles leur ont paru insupportables ».

C’est après ces exemples que Vauban propose, en quelques pages qu’il serait trop long de reproduire ici, cette fameuse Dîme Royale qui a irrité Louis XIV et surtout les riches de son temps, et qui devait être pré-