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route ; elle inspirait à Necker l’idée de proposer à l’assemblée un impôt d’un quart du revenu de chaque français et un impôt de 3 % du capital sur la vaisselle, et les bijoux.

Cela tient à l’ignorance où l’on était alors des lois économiques, et aussi à l’inexpérience dont les économistes nous ont corrigés depuis. On sait aujourd’hui que des institutions fiscales, plus logiques et plus justes, peuvent réparer les fautes commises. Si notre dette nationale est considérable, nos ressources le sont aussi ; il s’agit d’en tirer le meilleur parti dans l’intérêt de tous.

Lorsque la ploutocratie qui nous gouverne paiera sa large part de l’impôt, lorsque les conseilleurs seront les payeurs, suivant le dicton populaire, nous verrons l’ordre et l’économie régner dans les dépenses. Tant que le travail supportera la plus grosse part de l’impôt, les dépenses qui ne profitent qu’à la spéculation et à l’usure iront en augmentant. Faisons supporter les dépenses par la grande richesse, le gaspillage dont seule elle profite aujourd’hui disparaîtra comme par enchantement. Il faut être contribuables et imposables à merci comme nous le sommes, pour ne pas le comprendre. Substituons à l’immorale puissance de l’argent le pouvoir moralisateur du travail honnête, et le problème social sera facile à résoudre. Au travail, l’aisance ; à la richesse, l’impôt.

« Il faut considérer la richesse, a dit Carnegie, comme un dépôt sacré qui doit être administré par le possesseur aux mains de qui il est confié, pour le plus grand bien du peuple. Encore le millionnaire doit-il accorder, sa vie durant, une attention aussi soutenue à la distribution de son bien, qu’il en a consacré à son acquisition. Le jour est proche où l’homme, qui mourra en possession de millions inutilisés et disponibles, mourra déshonoré ».

L’impôt équitablement réparti, peut aider puissamment le riche à remplir le devoir social signalé par Carnegie, et l’empêcher de mourir déshonoré.