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Débats jettent les hauts cris à l’apparition de ce projet cependant si modeste. Il semble, à les entendre, que tout serait bouleversé dans le pays si, au lieu des soixante ou quatre-vingts impôts qui frappent surtout les travailleurs et les petits propriétaires, on appliquait un système atteignant davantage les plus grandes fortunes.

N’est-ce pas le cas de rapporter ici cette observation de Chateaubriand, qui, pourtant, ne passe pas pour un socialiste dangereux.

« Dans la vallée du Rhône, je rencontrai une garçonnette presque nue, qui dansait avec sa chèvre ; elle demandait la charité à un riche jeune homme bien vêtu qui passait en poste, courrier galonné en avant, deux laquais assis derrière le brillant carrosse. Et vous vous figurez qu’une telle distribution de la fortune peut exister ? Vous pensez qu’elle ne justifie pas les mouvements populaires ? »

(Mémoires d’Outre-tombe, 1853).


Plus loin, préoccupé des problèmes qui agitaient déjà la société de son temps, il écrit dans ses fameux mémoires :

« Quand il ne s’agirait que de la seule propriété, n’y touchera-t-on point ? Restera-t-elle distribuée comme elle l’est ? Une société où des individus ont deux millions de revenus[1], tandis que d’autres sont réduits à remplir leurs bouges de monceaux de

  1. Que dirait-il aujourd’hui en présence de ces colossales fortunes fondées sur la spéculation et l’agiotage et dont le revenu est vingt fois supérieur à ces deux millions ?