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Quand on réfléchit à cette triste réalité on s’étonne moins de voir la population de la campagne diminuer. Le père de famille, ayant fait l’épreuve par lui-même, et parfois déjà par son père, du maigre résultat obtenu, ne voit pour ses enfants qu’un moyen d’échapper à son triste sort ; c’est de les disposer à gagner leur vie par toute autre profession qui lui paraît moins dure. C’est souvent une illusion, mais comment y échapper après une expérience de deux ou trois générations ?

Voilà pour le travail des champs ; passons à une autre classe de travailleurs.

M. Benoist, dans son ouvrage l’Ouvrière à l’Aiguille, donne le résultat de son enquête pour la population de Paris. Il fait le budget de la jeune fille célibataire et voulant vivre honnêtement de son seul travail. Le loyer, l’éclairage, le chauffage, l’habillement comportent une dépense de 268 francs à laquelle il faut ajouter 328 francs pour la nourriture à 0.90 centimes par jour. Il faut donc que son travail lui rapporte 600 francs ou 2 francs pour 300 journées de travail. Le moindre chômage, c’est la misère, la maladie, c’est l’hôpital, le découragement dans cette lutte terrible contre la nécessité, c’est la chute, la démoralisation.

Or, il paraît que ce salaire de 2 francs par jour est encore une exception heureuse, et que le plus grand nombre des ouvrières sont obligées de vivre avec 0.65 centimes de nourriture par jour.

À Paris seulement, 300.000 ouvrières à l’aiguille sont obligées de vivre avec ce lamentable budget.