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pas de lui répondre : « Comment n’avez-vous pas senti que je pense comme vous ? mais songez que je suis d’un parti. » Il n’est, en bien des cas, que du parti de Voltaire, car il lui échappe de parler ainsi de ses alliés : « Mon petit parti m’amuse beaucoup. J’avoue que tous mes complices n’ont pas sacrifié aux Grâces. » Ce sera la tactique de Palissot de flatter Voltaire aux dépens des Encyclopédistes, et Voltaire de répliquer : « Vous me faites rougir quand vous imprimez que je suis supérieur à ceux que vous attaquez. Je crois bien que je fais des vers mieux qu’eux et que j’en sais autant qu’eux en fait d’histoire. »

S’il lui arrivait de se lâcher ainsi, même dans sa correspondance, sur le compte de ses frères d’armes, que devait-il dire d’eux à huis clos ? Le prince de Ligne, dans son Séjour chez M. de Voltaire, s’est chargé de nous l’apprendre et le passage est si joli qu’il le faut citer en entier. « Il y a, (lui dit le prince de Ligne), quelques gens de lettres dont vous paraissez faire cas. — Vraiment, répond Voltaire, il le faut bien : d’Alembert, par exemple, qui, faute d’imagination, se dit géomètre ; Diderot qui, pour faire croire qu’il en a, est enflé et déclamatoire, et Marmontel dont, entre nous, la poétique est inintelligible. Ces gens-là diront que je suis jaloux : qu’on s’arrange donc sur mon compte[1]. »

Sur son compte et entre eux, les frères ne se faisaient pas faute à leur tour de déblatérer. On l’encensait dans l’Encyclopédie ; préparait-il un nouvel ouvrage, on annonçait au monde un nouveau chef-d’œuvre ; et on se dédommageait de ses éloges en écrivant sous main à ses amis : « Voltaire

  1. Sur le cas que Voltaire faisait de Marmontel, nous avons encore la jolie anecdote rapportée par Fréron : « Un apprenti philosophe parlait un jour avec beaucoup de légèreté de Racine et de Boileau en présence de cet auteur célèbre (Voltaire). — Doucement, jeune homme, répondit-il Jean et Nicolas sont nos maîtres… Le candidat insiste et s’autorise de la façon de penser d’un Académicien que le chantre de Henri IV a beaucoup vanté lui-même, de M. Marmontel, qui fait très peu de cas de ces deux grands poètes du dernier siècle. — Aussi, répliqua le judicieux vieillard avec une naïveté charmante, ses vers jettent un beau coton ! » (Année littéraire, 1773, t. I, p. 17.)