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diction d’un ouvrage qui lui était dédié. Quant aux mandements des évêques[1], vendus dans les rues de Paris et « criés avec vivacité », ils avaient fait tant de bruit qu’ils avaient donné envie de lire les philosophes à des gens qui jusque-là ne lisaient que leur catéchisme[2]. On racontait en outre que les Jésuites, jaloux de la gloire que le Dictionnaire allait donner à leurs ennemis, avaient fait enlever les papiers de Diderot, comptant bien achever eux-mêmes l’entreprise qu’avaient entravée leurs intrigues : malheureusement, dit Grimm, ils avaient oublié d’enlever aussi au philosophe sa tête et son génie[3], et il fallut prier les encyclopédistes de vouloir bien continuer leur œuvre. Chose curieuse et qui peint bien la tyrannie et la pusillanimité d’un pouvoir qui ne savait être indulgent ou despotique qu’à demi : on n’osa pas révoquer l’arrêt qu’on avait rendu contre l’Encyclopédie trois mois auparavant ; mais Mme de Pompadour et quelques ministres firent solliciter d’Alembert et Diderot de « se redonner au travail de l’Encyclopédie[4] ».

Si Mme de Pompadour favorisait les Encyclopédistes, ce n’était pas par amour pour la philosophie, ni pour le seul plaisir de se faire appeler la protectrice des arts et des lettres et de se voir comparer à « Minerve » : les Encyclopédistes étaient les ennemis des Jésuites, qui étaient les ennemis de Mme de Pompadour. Soutenus par l’archevêque de Paris, très hostile à la favorite, les Pères Griffet et Dumas avaient fait refuser à celle-ci la place de dame du palais de la reine. Aussi l’hostilité des bons Pères fut-elle le meilleur titre des

  1. L’archevêque de Paris écrivit contre l’Encyclopédie un mandement ; l’évêque de Montauban en écrivit un autre auquel l’évêque d’Auxerre avait joint son instruction pastorale.
  2. Barbier, janvier 1752.
  3. Grimm, t. II, p. 298.
  4. D’Argenson, 7 mai 1752. « Le gouvernement, disait d’Alembert dans l’Avertissement du troisième volume (1753), a paru désirer qu’une entreprise de cette nature ne fût point abandonnée. Les éditeurs se déclarent « rassurés par la confiance du ministère public ». Enfin, faisant allusion à la tentative infructueuse des Jésuites, d’Alembert ajoutait ironiquement : « Ils ont été les maîtres de nous succéder et ils le sont encore. »