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sonner assez haut les services que Voltaire et ses amis ont rendus au monde » ; puis, cherchant ce qui est la marque bien française de leur philosophie et ce qui la distingue, par conséquent, de la pensée allemande, il dit, et je me borne à traduire ses paroles : « Ils proclamaient l’humanité et nous la différence des races : avons-nous bien le droit de les traiter avec dédain[1] ? »

Le nom de Bossuet est revenu souvent dans cette étude : c’est qu’il a, comme chacun sait, affirmé, avec plus d’autorité que personne, tout ce qu’a nié ou prétendu détruire le dix-huitième siècle. On a incarné en lui le dix-septième siècle comme le dix-huitième en Voltaire et dans le parallèle, si rebattu, entre l’évêque et le philosophe, on ne manque jamais d’établir que la vie du second n’a pas été aussi exemplaire que celle du premier, ce qui est incontestable, mais ne prouve rien pour les idées qu’ils défendent l’un et l’autre : car Bossuet pourrait être encore un plus grand saint qu’il n’a été sans que ses croyances en fussent meilleures pour nous, gens du dix-neuvième siècle : quelle religion n’a eu ses saints et ses martyrs ? et Voltaire, que nous n’avons certes pas ménagé dans ce livre, pourrait être pire qu’il n’a été : ses défauts ou ses vices mêmes ne feraient pas le moindre tort à une philosophie dont il n’a été, même pour son temps, que le représentant imparfait, et dont personne, d’ailleurs, ne pourra jamais se dire le dernier et suprême interprète. La philosophie, en effet, telle que l’entendit le dix-huitième siècle, doit marcher du même pas que la science, qui marche sans cesse ; et, tandis que Bossuet a donné à la tradition religieuse que chacun sait une expression définitive et, pour ainsi dire, éternelle, et que, par conséquent, ce n’est pas tel ou tel de ses dogmes qu’on peut admettre en le modifiant à son gré, mais c’est l’ensemble de sa doctrine qu’il faut accepter et croire, puisque la vérité catholique est une ; au contraire,

  1. Zur Culturgesch., Frankreichs im XVII und XVIIIten Jahrh., Wien, 1889, p. 245.