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Ajoutons enfin que, lorsque Voltaire et ses amis taxaient d’imposture, avec un acharnement et même, si l’on veut, un aveuglement condamnables, les fondateurs du christianisme, ils ne faisaient, après tout, que retourner contre la religion catholique le verdict que celle-ci n’avait cessé de prononcer contre toute religion autre qu’elle-même. Les philosophes, qui avaient combattu le privilège dans l’État, l’abolirent de même dans le domaine religieux ; ils regardèrent du même œil, à la fois les superstitions antiques, les hérésies modernes et la religion qui se disait la seule vraie. En rabaissant celle-ci, tandis qu’ils prenaient plutôt plaisir à relever les premières, ils les mirent les unes et les autres au même niveau et permirent ainsi aux historiens futurs de leur appliquer des règles de critique, à la fois meilleures et égales pour toutes les croyances.

Maintenant, dans cette guerre sans merci qu’ils faisaient à « l’infâme », les philosophes, s’ils réussissaient, ne risquaient-ils pas de tuer, avec la religion, la morale elle-même, dont la religion avait été jusque-là le plus solide et, au dire de leurs adversaires, devait rester l’unique fondement ? Nous voilà donc amenés à aborder cette dernière question, une des plus délicates et pratiquement la plus importante de toutes celles qu’a agitées la philosophie du dix-huitième siècle.

Devons-nous d’abord mettre hors du débat tous ceux qui, comme Voltaire, ne prétendaient, disaient-ils, qu’ « épurer » la religion et non la détruire, parce qu’ils voyaient en elle un « frein salutaire », indispensable à l’ordre social et tout particulièrement à leur propre repos. Professant eux-mêmes une religion pure de toute superstition et qu’ils appelaient « la religion naturelle », leur modeste et vague credo se réduisait à quelques articles très simples et, pensaient-ils, très acceptables même pour un vrai philosophe : un Dieu rémunérateur et vengeur, une âme immortelle et « les principes de morale communs à tout le genre humain ». Nous ne prendrons pas plus au sérieux que ses adeptes eux-mêmes cette religion naturelle, qui d’abord