autrement que ne faisaient les philosophes : ceux-ci, en présence d’un fait miraculeux attesté par un texte sacré, niaient le fait, mais étaient en même temps trop heureux de respecter, comme le faisaient leurs adversaires, le texte lui-même, puisque, entendu à la lettre, ce texte ne pouvait plus être qu’un mensonge. Nous supprimons, nous, le fait et, en interprétant librement le texte, nous supprimons aussi le prétendu mensonge.
Seulement, ne l’oublions pas : si la critique moderne a osé toucher aux textes eux-mêmes, à ces textes auxquels on pouvait jadis appliquer, en le prenant au sérieux, le mot connu de Voltaire : « Sacrés ils sont, car personne n’y touche », c’est d’abord parce que l’irrévérence des philosophes à l’égard des récits bibliques nous a enhardis peu à peu jusqu’à juger librement, comme nous faisons tout autre livre, ce qui était le livre unique, le livre réputé infaillible même pour ceux qui s’étaient au seizième siècle affranchis du catholicisme ; et c’est encore et surtout parce que les philosophes, s’ils n’ont pas su expliquer la croyance au miracle, sont arrivés, du moins, par leur propagande scientifique et aussi, pourquoi ne le dirions-nous pas ? par leurs légitimes éclats de rire, à faire évanouir le miracle lui-même. Nous avons pu alors, affranchis par eux de la superstition des récits sacrés, donner de ces récits une interprétation plus impartiale et plus haute, mais rationnelle encore ; car l’exégèse moderne, si elle suppose des connaissances et un certain esprit de finesse qui manquaient aux philosophes, que serait-elle devenue pourtant sans la raison critique ? Et cette dernière, même avec ses procédés spéciaux d’investigation, n’a pas si complétement fait défaut qu’on le croit aux Encyclopédistes, s’il est vrai, par exemple, que Voltaire ait eu une notion très nette et de l’influence de la philosophie d’Alexandrie sur le christianisme et de l’origine exotique du quatrième Évangile[1].
- ↑ Strauss : Ancienne et nouvelle foi, p. 232.