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I. — la nature


La religion reposant sur le surnaturel, à la fois par la révélation qui la fait connaître et par les miracles qui la fondent, si l’on veut ruiner la religion, il faut commencer par bannir des esprits et, si l’on peut, par chasser du monde, le surnaturel. Il n’y a, pour cela, qu’à consulter la nature : elle enseigne, à qui n’a pas l’esprit prévenu, qu’il n’y a jamais eu, qu’il ne peut pas y avoir de miracles : « Quant à ce qu’on nomme des miracles, c’est-à-dire des effets contraires aux lois immuables de la nature, on sent que de telles œuvres sont impossibles et que rien ne pourrait suspendre un instant la marche nécessaire des êtres sans que la nature entière ne fût arrêtée et troublée[1]. »

Cette nature, sans cesse invoquée contre la religion, tous les grands écrivains du siècle l’ont tour à tour interrogée : celui-ci, Buffon, en a fait « l’Histoire » ; cet autre, Diderot, en a donné une « Interprétation » ; ce dernier, d’Holbach, le plus intrépide et, malgré ses erreurs et ses grossièretés de langage, le plus logicien de tous, en a construit le « Système », et à tous la nature a fait la même réponse : il n’y a que des causes secondes et des lois nécessaires ; ceux-là même « qui croient répondre par les causes finales, dira le sage Buffon, ne font pas attention qu’ils prennent l’effet pour la cause. Les premières causes nous seront à jamais cachées ; tout ce qui nous est possible, c’est d’apercevoir quelques effets particuliers[2]. »

C’est parce que la science et, plus particulièrement la science de la nature, fait reculer, à mesure qu’elle avance elle-même, le merveilleux, c’est parce qu’elle est une grande défaiseuse de miracles, c’est en partie pour cela que le dix-huitième siècle s’adonne à cette science avec acharnement

  1. D’Holbach : Syst. de la nature, 1re édition, 1770, I, 66.
  2. Buffon : Histoire naturelle : Premier Discours.