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de nos protestants, ce mystère d’indignité et purger la France de ces monstres[1]. » On remarquera que la doctrine de l’Église était ici exactement celle dont elle avait été victime elle-même au début de son histoire, alors qu’on accusait les premiers chrétiens d’être les ennemis de l’État :

On croit servir l’État quand on nous persécute.

« La religion, dit Bergier, est une partie des lois de l’État ; quiconque ose l’attaquer se rend aussi coupable envers la société que celui qui viole les lois civiles ; il mérite donc le même châtiment. » Et l’évêque du Puy dira plus énergiquement encore : « Tout impie est, par cela seul, criminel d’État[2]. » Il y a plus : l’intolérance étant un article de foi pour le catholique[3], et non pas pour le protestant — car, de quel droit celui-ci prétendrait-il à l’intolérance puisqu’il est dans l’erreur ? — les catholiques doivent être tolérés, de ceux qu’ils ne tolèrent pas eux-mêmes. « L’Église catholique est intolérante par sa nature même, c’est là son privilège, sa gloire, l’empreinte de la vérité, son caractère distinctif qu’elle ne partage avec aucune secte d’erreur. Les protestants ne peuvent refuser aux catholiques la tolérance, quoique ceux-ci ne les tolèrent pas[4]. »

  1. Bossuet répondant à Basnage, s’approprie les paroles de la Bible : « Chasse le blasphémateur du camp et que tout Israël l’accable à coups de pierre. » Et il ajoute : « Voilà où en viennent les réformés : ils prononcent sans restriction que le prince n’a aucun droit sur les consciences et ne peut faire de lois pénales sur la religion. » (Déf. de l’hist. des variations, N. IV). Quant à lui, il trouve tout naturel de se servir, pour venger la religion établie, « de l’épée que Dieu a mise dans les mains du prince ». Que si les protestants prennent les armes pour se défendre, il leur rappelle que « les guerres civiles, sous prétexte de se défendre de l’oppression, sont des attentats », (Déf. de l’hist. des variations, N. XI), car « on doit obéir même aux princes persécuteurs ». (N. XX).
  2. Instruct. pastor. de 1763.
  3. Comparez ce passage d’un livre contemporain qui en était, en 1854, à sa neuvième édition, « Tolerantia est impia et absurda. » (Prælectiones theologicæ quas in collegio romano S. J. habelat Johannes Perrone), tome I, paragr. 290.
  4. Gauchat : Lettres critiques, XIII.