enragés raisonneurs de l’Encyclopédie ? Ici, en face de la raison et de ses exigences, l’attitude de l’Église est moins ferme que tantôt en face de la science contemporaine : sur ce terrain glissant de la discussion qui, elle ne le sait que trop, mène aux abîmes, à peine a-t-elle fait quelques pas qu’elle se rejette brusquement en arrière et se réfugie dans son infaillibilité qui, elle, n’a plus besoin d’être démontrée, puisqu’il lui suffit de s’affirmer. Les théologiens, il faut le reconnaître, étaient dans une alternative cruelle : s’ils refusaient de raisonner, ils laissaient le champ libre aux philosophes, et leur silence fâcheux équivalant à un aveu d’impuissance, ils abandonnaient le vaisseau désemparé de l’Église à tous les vents du mensonge et de l’impiété. S’ils consentaient, au contraire, à discuter les fondements de leur foi, ils tombaient fatalement dans ce piège que ne saurait éviter aucun apologiste, eût-il tout le génie du monde : en raisonnant avec leurs adversaires, ils admettaient implicitement que l’autorité a besoin de preuves, ce qui est, au fond, la détruire ; ils reconnaissaient à la raison des droits dont la raison allait se servir aussitôt pour étendre ses investigations et ses ravages ; dès lors, dans cette nécessité contradictoire où ils étaient, de prouver, puisqu’ils parlaient à des incrédules, une religion dont cependant l’unique preuve est l’assentiment de ceux qui en vivent, ils invoquaient tour à tour la raison et l’autorité et ils mêlaient dès lors, dans leurs incohérentes apologies, les arguments aux injures et aux anathèmes.
La plupart essaient de faire à la raison sa part, une part aussi petite que possible, et ils distinguent deux espèces d’examen : l’examen des preuves de la révélation et l’examen des dogmes révélés. « Le premier est nécessaire, dit Bergier, et d’ailleurs très facile, car les faits qui attestent la révélation sont tellement certains que le plus ignorant des hommes peut s’en convaincre. Mais, dès qu’il est certain qu’un dogme est révélé, la religion chrétienne interdit à la raison l’examen de ce dogme. » Encore faut-il, et Bergier le proclame, que la vérité de cette révélation ait commencé par