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ce qu’ils s’empressaient de faire avec joie, que Dieu ou plutôt ses interprètes « avaient menti. »

Il fallait bien aussi permettre aux démons de violer ces fameuses lois de la nature, tant surfaites par les philosophes, puisque, à l’origine même du monde, le diable avait montré le cas qu’il faisait de ces lois et combien en même temps il était habile, lorsqu’il avait pris la forme d’un serpent : car « la première femme, presque au moment de sa création, n’avait pas assez d’expérience pour être surprise de ce phénomène[1]. » Ce premier déguisement lui ayant si bien réussi, le diable n’avait cessé depuis lors, et bien qu’il n’ait « qu’un pouvoir incomplet, modéré et gêné par l’ordre exprès du créateur[2], » d’user et d’abuser de ce pouvoir permis à la fois et maudit par Dieu, le tout au grand détriment de ces pauvres fous qu’on bridait partout comme sorciers ou magiciens. L’Église entretenait cette affreuse superstition en faisant lire au prône, dans les vieux rituels, les prières consacrées pour exorciser les devins et chasser le diable. Ajoutons, d’ailleurs, que l’Église n’était pas ici la seule coupable et que la magistrature du temps donnait raison aux exorcismes des prêtres par ses grotesques arrêts contre la sorcellerie[3]. Bien plus, quand les philosophes se targuaient de la rareté des « illusions diaboliques » au dix-huitième siècle, c’est un magistrat, un des plus acharnés adversaires de la philosophie, Muyart de Vouglans, qui se chargeait de leur répondre et sa réponse est si amusante, elle fait si bien ressortir la niaise subtilité des magistrats de ce temps qu’il vaut la peine de la mettre sous les yeux du lecteur : « Ne pourrait-on pas, dit-il, rétorquer avec avantage contre le propre système des esprits forts les conséquences naturelles qui résultent de cette rareté des illusions diaboliques dans le siècle où nous vivons, en leur disant que si les exemples d’illusions ont été

  1. Bergier : Apologie.
  2. Gauchat, X.
  3. Voir les arrêts du Parlement de Paris dans le P. Le Brun : Hist. critiq. des pratiques superstitieuses, IV. 451.