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et la plus victorieuse pour établir la vraie religion. » Mais comment établira-t-on les miracles eux-mêmes ? C’est très simple : « En histoire, tous les faits sont égaux ; naturels ou surnaturels, qu’importe ! pourvu qu’ils soient bien constatés. Que je voie égorger un homme ou que je le voie sortir du tombeau, je suis également certain du fait, mes yeux ne pouvant me tromper ; et le nier, parce qu’il n’est pas dans le cours de physique, c’est folie[1]. » Leur critique historique ne va pas plus loin : elle est véritablement enfantine. Que si on leur objecte que toute religion a ses miracles, bien et dûment constatés, comme ils le veulent, par des témoins oculaires, ils répondent, avec une imperturbable assurance, que les miracles seuls du christianisme sont vrais, tandis que tous les autres sont faux ; ce sont tout simplement de « prétendus prodiges », et la preuve qu’ils en donnent, c’est que « les miracles du paganisme ont été opérés pour établir le culte des idoles, tandis que les miracles évangéliques ont les motifs les plus purs et les plus utiles, et ce seul caractère démontre leur véritable origine. Ajoutez que les œuvres du paganisme sont marquées du sceau de la bizarrerie, tandis que les miracles évangéliques sont sensés[2]. » Des miracles sensés ! ils seraient donc moins miraculeux que ceux du paganisme ; mais c’est, au contraire, parce qu’ils étaient un défi à la raison qu’on avait pris le parti d’en rire, et que parfois les théologiens s’évertuaient à les réconcilier avec le sens commun, au risque, d’ailleurs, de les amoindrir et de les ravaler jusqu’à des événements ordinaires : « le temple que Samson fit crouler était, sans doute, une cabane bâtie comme celle où les Caraïbes s’assemblent pour honorer leurs dieux[3]. »

Mais ces concessions manifestes à l’esprit du siècle sont, il faut le reconnaître, très rares chez les apologistes chrétiens ; ceux-ci sont unanimes, au contraire, à proscrire la

  1. Ouvrage cité, t. X.
  2. Ibid.
  3. Bergier, Apolog., I, 508.