més de tous[1] », c’est oublier que, lorsqu’il s’efforçait, en les poussant au noir et à la charge, de rendre ses originaux ridicules et même odieux, Palissot usait simplement de ses droits d’auteur comique et ne faisait que ce qu’avaient fait avant lui, beaucoup mieux que lui seulement, et Aristophane et Molière lui-même. Car, d’une part, il est bien certain qu’il y avait alors, parmi les Encyclopédistes et les Sous-Encyclopédistes, bon nombre de charlatans qui, suivant l’expression de Molière, faisaient de philosophie métier et marchandise ; et, d’autre part, quand Palissot, prenant dans leurs livres, non le véritable esprit peut-être, mais la lettre, ou à peu près (et ces à peu près sont permis au théâtre), des doctrines philosophiques prêchées par les Encyclopédistes et qu’il en déduisait, même grossièrement et comme aurait pu le faire un homme du peuple, toutes les conséquences pratiques, il ne faisait encore qu’user de son privilège de poète comique : c’est à savoir de ridiculiser et de flétrir, par les actes mêmes qu’elles seraient capables d’inspirer au vulgaire, les maximes du jour que le poète estimait, pour cela, dangereuses et fausses. Et ainsi il avait le droit de nous montrer Valère prêchant hautement la philosophie de l’intérêt et son valet, comprenant à sa façon et appliquant à son profit la philosophie à la mode :
Valère :
Il s’agit d’être heureux, il n’importe comment.
… Bien voir ses intérêts, c’est être de bon sens.
Le superflu des sots est notre patrimoine.
Carandas :
Oui, monsieur, (et il fouille doucement dans la poche de Valère).
N’était-ce pas là tout simplement illustrer par un fait matériel et brutal (ce que veut justement le théâtre) des théories que condamnaient bon nombre de spectateurs ? Ailleurs Crispin, qui contrefait le philosophe, apparaît sur la scène marchant à quatre pattes :
Pour la philosophie, un goût à qui tout cède,
M’a fait choisir exprès l’état de quadrupède ;
- ↑ P. Albert : Littérat. franç. au XIIIe siècle, 394.