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Préjugés, de Chaumeix, on peut dire que Voltaire, contre sa coutume, ne l’a pas calomnié, quand il l’a appelé, dans son Pauvre Diable, un « barbouilleur de papier ». La grande préoccupation de Chaumeix, dans son interminable ouvrage, c’est de bien dégager tout « le venin » que renferment les articles en apparence les plus orthodoxes de l’Encyclopédie. Par exemple, vous croyez, dira-t-il au lecteur, qui, en effet, n’y avait peut-être pas pris garde, qu’il ne s’agit ici que de l’Alcoran ; méfiez-vous : ne vous dit-on pas que, s’il est inspiré, c’est parce qu’il n’a été écrit que par une seule personne ; mais qu’adviendra-t-il dès lors de l’Écriture sainte, qui a été écrite par différentes mains ? Ailleurs on vous énumère les objections faites par Épicure aux dieux de son temps ; tâchez de bien comprendre… et d’appliquer au Dieu de la Bible ce qu’Épicure, c’est-à-dire Diderot, reproche aux dieux de l’antiquité. Voyez-vous maintenant pourquoi les auteurs de tant de perfides articles sont « une troupe de charlatans ? » Et remerciez donc le critique avisé qui vous a si bien désabusé sur le prétendu épicuréisme de l’Encyclopédie, pour mieux vous faire entrer dans l’esprit du Diderotisme. Franchement les Encyclopédistes pouvaient-ils souhaiter un plus complaisant auxiliaire et n’est-ce pas eux qui devaient le remercier de si bien souligner « toutes les erreurs », c’est-à-dire, toutes les demi-hardiesses de leurs livres ? Et quand ce même Chaumeix laissait échapper de sa plume d’aussi jolies phrases que celle-ci : « quelle difficulté trouvez-vous à ce que la plus grande partie du genre humain périsse éternellement[1] ? » les Encyclopédistes n’avaient-ils pas lieu de se réjouir que l’ineffable Abraham ne se lassât pas « d’écrire, écrire, écrire » ses 13 volumes et que, comme l’en avait félicité Voltaire, dans sa dédicace du Pauvre Diable, il « continuât de faire honneur à son siècle » ?

Un autre, le père Barruel, veut faire l’aimable, à la manière de Fontenelle, et il imagine des dialogues qu’il croit

  1. Préj. légit., II, 239.