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avec le secret désir d’opposer aux philosophes des adversaires dignes d’eux, les nombreux et volumineux ouvrages des apologistes chrétiens de ce temps, on se prend à regretter que Dieu ait trop bien exaucé la prière de Voltaire : « Mon Dieu ! rendez nos ennemis bien ennuyeux. »

Il serait injuste pourtant de croire que ces défenseurs de l’Église se valent tous ou même que les plus faibles d’entre eux ne valent pas mieux que la réputation ridicule que leur a faite Voltaire. On sait, en effet, que Voltaire, s’il n’a pas pu, à force de les calomnier, les faire tous passer pour des scélérats, n’en a pas moins réussi, à force de les persifler, à faire de certains d’entre eux de purs grotesques, alors qu’ils n’étaient, même les moindres, que de médiocres écrivains qui ne furent pas, pour leur malheur, aussi bien inspirés que bien intentionnés. Voyons donc, par le rapide examen de quelques-uns de leurs livres, leur ordinaire façon de discuter et d’écrire.

Pour mieux combattre l’incrédulité, ils lui empruntent, autant qu’ils peuvent, ses armes les plus légères et ils écrivent, eux aussi, des chapitres très courts, qui ne s’attardent pas à démontrer la vérité, mais qui s’attachent uniquement à ridiculiser l’erreur, à la réfuter par l’absurdité de ses conséquences, à la rendre odieuse enfin par l’effrayante peinture des maux, réels ou imaginaires, qu’elle doit faire à la société. Se figure-t-on, par exemple, ce que serait « une société de matérialistes ? tout simplement un troupeau de tigres qui finiraient par se dévorer les uns les autres[1]. »

Pour attirer à eux et sauver du philosophisme un plus grand nombre de lecteurs, ils imaginèrent de donner leurs ouvrages par cahiers ; car « il faut s’accommoder au goût du siècle et un simple cahier effraye moins qu’un in-douze[2] ». Ils adopteront de même la forme de Lettres « pour éviter la sécheresse de la forme didactique ». L’abbé Gauchat, par exemple, écrira ses « Lettres critiques », et une « Société de

  1. Bergier : Examen du matérialisme, 1771, I, 497.
  2. La Religion vengée…, Prospectus.