lui accorder (au Dictionnaire) une protection puissante et soutenue contre ses ennemis[1]. » Et, l’œuvre achevée, Condorcet écrivait dans le même sens à Turgot : « Les suppléments à l’Encyclopédie vont se faire à Bouillon pour augmenter la gloire de notre nation et la honte de ceux qui auraient dû protéger cette entreprise et qui l’ont persécutée. »
Nous avons déjà parlé de ces prétentions des philosophes à la protection royale. Les trois partis aux prises : parlementaires, jésuites et philosophes, disputent entre eux à qui sera le maître, c’est-à-dire, à qui écrasera les vaincus. Les jésuites, on le sait, succombèrent : ce furent aussi les plus maltraités, et l’on peut ajouter : les seuls vraiment persécutés. Les interdictions et suppressions de livres et l’embastillement des philosophes, tout cela n’est rien en comparaison des souffrances qu’on fit endurer aux Jésuites, et d’Alembert lui-même n’a pu s’empêcher de les plaindre, dans sa Destruction des Jésuites. La vérité sur leur expulsion a été dite par Lalli-Tollendal, dans un article du Mercure (du 23 janvier 1806) dont il faut citer au moins ce court fragment : « Nous croyons pouvoir affirmer, dès ce moment, que la destruction des Jésuites fut une affaire de parti et non de justice ; que ce fut un triomphe orgueilleux et vindicatif de l’autorité judiciaire sur l’autorité ecclésiastique… ; que les motifs étaient futiles, que la persécution devint barbare ; que l’expulsion de plusieurs milliers de sujets hors de leurs maisons et de leur patrie pour des métaphores communes à tous les instituts monastiques, pour des bouquins ensevelis dans la poussière et composés dans un siècle où tous les casuistes avaient professé la même doctrine, était l’acte le plus arbitraire et le plus tyrannique qu’on pût exercer. »
Quant aux Encyclopédistes et à ceux qui, de nos jours, répètent avec une indignation sincère leurs protestations et leurs jérémiades, si bien calculées pour intéresser en