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Nous avons passé en revue tous les ennemis, sans exception, de l’Encyclopédie. En résumé, qu’ont-ils obtenu contre elle ? Dans l’histoire de l’Encyclopédie, on peut compter en tout trois « persécutions » : dans la première (1749), l’Encyclopédie, encore en préparation, n’est pas visée directement ; Diderot est bien emprisonné à Vincennes, mais c’est surtout parce qu’il est l’auteur de la Lettre sur les aveugles ; on lui permet d’ailleurs de travailler pour les libraires de l’Encyclopédie. Plus tard, en 1752, l’Encyclopédie est légalement supprimée par un arrêt du Conseil d’État : mais le gouvernement lui-même, revenant sur sa sentence, fait bientôt après solliciter Diderot de se remettre à l’œuvre. « Le gouvernement a paru désirer qu’une entreprise de cette nature ne fût point abandonnée[1] », et d’Alembert se déclare, en 1753, « rassuré par la confiance du ministère ». Vient alors une assez longue période de paix pour les Encyclopédistes : « Depuis l’année 1753, jusqu’à la fin de 1757, les auteurs de l’Encyclopédie ont joui d’une assez grande tranquillité[2]. » En troisième lieu, en 1759, Lamoignon est obligé de sévir contre l’Encyclopédie, mais c’est moins par hostilité contre ses auteurs que pour défendre ses prérogatives contre le Parlement qui avait pris à partie l’Encyclopédie : le privilège fut révoqué, mais pour un temps seulement ; en somme, l’Encyclopédie parut avec le privilège du roi et elle parut tout entière, en vingt-huit volumes, et, qui plus est, les derniers volumes parurent avec la permission expresse du gouvernement[3].

Mais alors, pourquoi ces plaintes des Encyclopédistes et ces cris incessants à la persécution ? « Ce n’est pas moi (Socrate), c’est Anite et Mélite qu’il faut plaindre[4]. » C’est qu’au fond il ne suffisait pas aux Encyclopédistes d’être tolérés : ils voulaient encore être protégés par le gouvernement. « Il est nécessaire que le gouvernement veuille

  1. Encycl., III, Avertissement des éditeurs.
  2. D’Alembert : Mél. de littérature, I, 319 note.
  3. Diderot, XII. 122 note.
  4. Diderot, XIII, 524.