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actions des hommes ». Il va s’agir de bien autre chose dans l’Assemblée de 1770.

À cette date, l’Encyclopédie est terminée depuis cinq ans : mais la guerre à l’Infâme se poursuit, plus violente que jamais et avec des armes de plus en plus redoutables. Ce qu’on dirige maintenant contre l’Église, ce n’est plus la lourde machine de guerre de l’Encyclopédie, machine au surplus très coûteuse, qui ne pénètre guère que dans les maisons des riches et ne peut s’achever qu’avec la permission du roi : mais c’est ce que Voltaire appelait de petits pistolets de poche et il en fut lui-même, comme on sait, le plus adroit et le plus infatigable fabricateur ; ce sont de petits livres, des dictionnaires encore, mais « portatifs », des brochures, légères de poids aussi bien que de style, qui se passent, et pour cause, du privilège royal, qui, dans la rue, filent invisibles sous le manteau, mais s’étalent effrontément sur la toilette de toute femme à la mode, car elles ont pour elles d’être défendues, et, par-dessus le marché, suivant la recette du Patriarche, d’être « courtes et salées. »

Pourtant ces innombrables écrits n’avaient guère eu pour but jusqu’ici que d’attaquer l’ancien ordre de choses, d’ébranler « l’édifice élevé dans les temps barbares » ; et à ceux qui demandaient aux philosophes par quoi donc ils remplaceraient les choses anciennes, la religion et ses ministres, la vieille société et ses privilèges, les philosophes s’étaient contentés jusque-là de répondre avec Voltaire « qu’il faut bien nettoyer la place avant de bâtir. »

Or, voici qu’à l’époque même qui nous occupe, en 1770, paraît une œuvre qui, plus doctrinale que toutes les autres, ne se contente plus de nier et de détruire, mais prétend édifier et ne dit pas seulement ce qu’il ne faut plus croire, mais enseigne tout ce qui doit remplacer et la superstition et le despotisme. Ce ne sont plus des critiques de détail et de simples « croquignoles à l’infâme », c’est toute une philosophie sérieusement et logiquement déduite, tout un système nouveau du monde et de la société, c’est le Système de la nature, de d’Holbach.