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tré, n’était pas, comme le catholicisme français, systématiquement hostile à tout progrès social, enseignait une doctrine plus flexible, partant, plus conciliable avec le progrès scientifique. En France, le catholicisme, enfermé dans ses dogmes immuables, élevait contre les philosophes, réformateurs ou simples savants, comme un mur sacré destiné à abriter éternellement les vieilles mœurs et les anciennes croyances[1]. Si donc on voulait entrer dans la place, il fallait commencer par attaquer ce rempart de l’Église, et c’est, en effet, pour le battre en brèche que les Encyclopédistes construisirent une machine de guerre qui portait, soigneusement cachés dans ses flancs, le scepticisme et l’irréligion.

La guerre fut implacable des deux côtés, parce que les ennemis étaient irréconciliables comme leurs principes : la raison était tout pour les uns, comme pour les autres la foi ; les premiers en appelaient sans cesse à l’état de nature, c’est-à-dire à ce qui n’était, pour les seconds, que l’état de péché. La seule idée, peut-être, qui leur fût commune était précisément ce qui les condamnait à ne jamais s’entendre et surtout à ne jamais se rendre justice les uns aux autres : convaincus, philosophes et chrétiens, que la vérité est une et, comme on dit, purement objective, ils s’imaginaient, les uns et les autres, qu’on peut la posséder tout entière, pourvu qu’on soit réellement désireux de la conquérir. Seulement, dès qu’il s’agissait des moyens de l’étudier et de la connaître, ils s’éloignaient les uns des autres de toute la

  1. L’Église n’a-t-elle pas de toute éternité le monopole, assuré par le Saint-Esprit, de la vérité tout entière ? « Le catholique dit sans hésiter : Si le Saint-Esprit a promis à l’Église universelle de l’assister indéfiniment contre les erreurs, donc contre toutes ; et si contre toutes, donc toujours. » Ainsi tous ceux qui sont sortis de l’Église « n’ont pu éviter, continue triomphalement Bossuet, l’inconvénient marqué par Saint-Paul dans les faux docteurs, à savoir : d’apprendre toujours, sans jamais parvenir à la connaissance de la vérité. » (Hist. des Variations, livre XV. N. XCVIIIC, N. I. Et ailleurs : « Une église infaillible n’erre dans aucun moment ; qui n’erre point croit toujours la même chose ; il n’y a qu’à voir ce qu’on a cru de son temps pour savoir ce qu’on a toujours cru. » (IIIe avertissement aux Protest.). Et la devise de l’Église est : Quod ubique, quod semper.