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corps ne s’entendent guère, au dix-huitième siècle, que pour proscrire : le clergé dénonce les ouvrages et anathématise les auteurs ; le Parlement brûle les premiers et décrète les seconds de prise de corps. Voyons-les successivement à l’œuvre et occupons-nous d’abord du clergé, puisque c’est surtout contre lui qu’est écrite l’Encyclopédie.

Le clergé, bien entendu, n’avait pas pris un instant le change sur la fausse piété étalée, on l’a vu, dans l’Encyclopédie : dès les premières attaques insidieuses, il avait couru aux armes pour repousser ces « loups dangereux déguisés en brebis. » Mais avant de raconter la lutte qui s’ensuivit, il nous faut bien comprendre les vraies causes de cette lutte inévitable et pourquoi elle fut si acharnée de part et d’autre.

Et d’abord pour quels motifs les Encyclopédistes devaient-ils nourrir contre le clergé une haine si implacable et, semble-t-il, si peu philosophique ? C’est que les Encyclopédistes, ayant toutes les ambitions réformatrices que nous avons dites, devaient, dans leur marche en avant, à chaque pas rencontrer l’Église qui leur barrait le chemin. Ils combattaient, on l’a vu, tous les abus et tous les préjugés : mais l’Église vivait des uns et des autres ; il n’est pas étonnant qu’elle fût infatigable à défendre tout ce que les philosophes étaient ardents à réformer ou à détruire. Fermement convaincue que les croyances et les institutions du temps étaient si intimement liées entre elles, si dépendantes les unes des autres, qu’elles devaient vivre ou mourir toutes ensemble, l’Église était l’ennemie née de toutes les nouveautés, quelles qu’elles fussent ; et la sentinelle avancée de l’Église, la Sorbonne, de même qu’elle avait combattu Descartes au siècle passé, devait maintenant guerroyer avec plus d’acharnement encore contre des novateurs autrement dangereux, car ils prétendaient (pour la première fois en France), parler librement de tout, étant encyclopédistes.

Aussi est-ce la Sorbonne qui leur avait déclaré la guerre et cela dès l’apparition des premiers volumes de l’En-