bes, dans une note restée manuscrite et évidemment rédigée pour son père, le chancelier, fait observer que les libraires de l’Encyclopédie ont reçu dix louis pour chacune de leurs souscriptions et qu’ils en ont distribué 2 600, ce qui ferait 26 000 louis à rembourser[1]. »
Dans une autre note, il va plus loin : il critique les termes d’un arrêt que voulait publier le chancelier (vers 1752), en trouve « les qualifications dures », puis il essaie de le prévenir ou tout au moins d’en empêcher la publication : « Si cependant M. le chancelier persiste à vouloir donner un arrêt, nous le supplions, ou d’avoir égard aux précédentes observations ou de se contenter de nous le faire signifier sans le rendre public par l’impression. La publication de cet arrêt, sans rien produire de plus que ne feraient des ordres particuliers, alarmera de nouveau le public et singulièrement les étrangers, réveillera l’attention et la haine des ennemis de l’ouvrage et découragera les auteurs[2]. » L’arrêt contre l’Encyclopédie fut rendu. Quoi qu’il en soit, il n’y a pas à s’y méprendre ; celui qui a dicté cette note, et particulièrement les derniers mots, c’est bien un ami et un protecteur déclaré des Encyclopédistes. Au dire de Mme Vandeul, il aurait fait plus encore : « L’Encyclopédie ayant été arrêtée, M. de Malesherbes prévint mon père qu’il donnerait le lendemain ordre d’enlever ses papiers. « Mais je n’aurai pas le temps de déménager tous mes manuscrits, s’écria Diderot ; et d’ailleurs comment trouver en vingt-quatre heures des gens qui veuillent s’en charger ? — Envoyez-les chez moi, lui répondit M. de Malesherbes : on ne viendra pas les y chercher. » Et Diderot envoya la moitié de son cabinet chez celui qui en ordonnait la visite[3]. » Pour qui connaît le despotisme paternel de ce temps et ses étranges inconséquences, l’anecdote est très vraisemblable et Malesherbes a bien pu rendre à Diderot le même genre de service qu’il rendit plus tard à Jean-Jacques.