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trature[1]. » C’est qu’en effet prêtres et nobles ne comprennent ni la société ni la vie même sans ces biens et ces honneurs qui leur reviennent de droit, d’un droit aussi inviolable et divin que celui qui assure le sceptre dans les mains du roi.

Qu’on s’étonne, après cela, que les philosophes, ayant en face d’eux ces deux castes alliées et intraitables, se soient, à leur tour, ligués et soutenus entre eux, qu’ils aient même formé cette fameuse coterie holbachique qui devait exciter, avec les colères de Jean-Jacques, la fureur et la verve, plus ou moins spirituelles, des Fréron et des Pompignan. Il s’agissait pour eux « d’écraser » l’adversaire ou de renoncer à leurs plus ardentes, et, croyons-nous, à leurs plus légitimes revendications. Qu’on les trouve aujourd’hui peu délicats sur le choix des moyens, fastidieux à lire et de très mauvais goût quand ils accablent d’insipides louanges leurs amis et de sottes injures leurs adversaires, nous n’y contredirons pas, mais à la condition qu’on veuille bien reconnaître aussi qu’il leur fallait périr ou vaincre à tout prix : que ce soit là leur excuse auprès des petits-fils de ceux que leur victoire a affranchis.

MALESHERBES


Les Encyclopédistes avaient tort de ne pas croire à la Providence ; car c’est bien manifestement pour eux qu’elle donna à Malesherbes la direction de la librairie. Malesherbes fut directeur de 1750 à 1763 : c’est tout juste le temps qu’il fallait pour assurer la fortune de l’Encyclopédie, puisque celle-ci naquit au lendemain (1751) de la nomination de Malesherbes et s’acheva (1765) deux ans seulement après sa retraite.

Ce que Malhesherbes fut pour Diderot et ses amis, Grimm va nous le dire : « Sans lui, l’Encyclopédie n’eût vraisemblablement jamais osé paraître. » Comment s’y prit-il donc, lui qui était, non-seulement directeur de la

  1. Marion : Machault d’Arnouville, 1891, 276.