Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/217

Cette page a été validée par deux contributeurs.

n’en est pas moins ici le fidèle écho de ce qui se disait et de ce qui se dit peut-être encore parmi les défenseurs de l’Ancien régime.

En réalité, il n’y eut pas et il ne pouvait pas y avoir (on en verra tout à l’heure les raisons) une aussi parfaite entente entre les ennemis de l’Église ; les Jésuites qui se mirent à raconter la Révolution, les Georgel et les Barruel, faisant, en un sens, les philosophes à leur image, et leur prêtant cette obéissance passive et cette parfaite discipline qui ont fait la force de leur ordre, virent dans la « Société des gens de lettres » qui avaient composé l’Encyclopédie comme un détestable pendant à la Société de Jésus : n’étaient-ils pas d’ailleurs encouragés dans cette voie par des philosophes repentants, tels que La Harpe, lequel s’efforçait de se faire pardonner ses erreurs passées en signalant à la colère publique le « fanatisme » de ses amis de la veille[1] ? Et ainsi les auteurs catholiques, faisant du philosophisme leur bouc émissaire, accréditèrent cette commode simplification de l’histoire qui résumait et personnifiait, dans une bande de conspirateurs forcenés, les causes si multiples et même si lointaines de la Révolution française.

Quelle fut exactement la part de responsabilité des philosophes dans l’explosion de 89, c’est ce que nous avons essayé d’indiquer dans un précédent chapitre. Mais cette explosion, s’ils ont pu, suivant l’opinion commune, y contribuer, l’on va voir qu’ils étaient incapables de la préparer d’après un plan concerté d’avance et c’est ce qui va ressortir de l’examen même de cette « Société ».

C’est bien à tort que La Harpe, dans son Lycée, et bien d’autres, après lui, se servent pour la flétrir, du mot de « secte » ; il n’y a pas de véritable secte sans une parfaite communauté de doctrines et sans un Credo quelconque, politique, religieux ou philosophique : or, les Encyclopédistes n’ont jamais rien eu de tel. En religion, les uns sont déistes et les autres athées ; et quant à l’Encyclopédie elle-même,

  1. La Harpe : « Du fanatisme dans la langue révolutionnaire. »