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est à la fois terrible et consolante ! » (Encycl. : art. Caucase). C’est l’art, très original, de réfuter par l’excès d’admiration.

On a vu Diderot soutenir le dogme des peines éternelles ; dans un autre article, il le défend encore, mais sa défense est pire qu’une critique : « La damnation éternelle est clairement révélée dans l’Écriture ; il ne s’agit donc pas de chercher, par la raison, s’il est possible ou non qu’un être fini fasse à Dieu une injure infinie. » La raison, suffisamment éveillée, ne manquera pas de développer l’argument si traîtreusement insinué en quelques mots. D’Alembert n’a pas l’admiration moins perfide. C’est faire injure, selon lui, au christianisme, que de le croire « uniquement destiné à mettre une digue aux forfaits. La nature des préceptes de la religion, les peines dont elle menace, à la vérité aussi certaines que redoutables, mais dont l’effet n’est jamais présent, enfin, le juste pardon qu’elle accorde toujours à un repentir sincère la rendent encore plus propre à procurer le bien de la société qu’à y empêcher le mal[1]. » Lisez : le christianisme n’a jamais rien empêché, et, comme il n’est, au fond, qu’un frein pour les croyants, la conclusion est qu’il ne sert à rien : ce qu’il fallait démontrer, a sans nul doute sous-entendu le géomètre d’Alembert.

Il y a ensuite les attaques indirectes et, pour ainsi dire, les objections impersonnelles : ce qu’on n’ose pas critiquer soi-même, on le fait critiquer par des Chinois et des Musulmans ; ou plutôt ce ne sont pas des Chinois (on les eût facilement reconnus et nommés, comme les Persans de Montesquieu), qui font le procès à nos mœurs et à nos croyances, c’est leurs croyances et leurs mœurs qui, simplement mais habilement exposées et commentées, font ressortir la sottise des nôtres, et cela de deux manières : par contraste, leur sagesse faisant mieux éclater notre folie : « J’ai vu des Cacouacs qui, montés sur deux tréteaux, criaient à tous les passants, jusqu’à en être enroués : vertu de la

  1. Art. Fornication.