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cher à l’encensoir : le clergé, voilà pour eux l’ennemi. C’est contre la religion que tous, ou presque tous, ils ont prononcé leur delenda Carthago. Avant tout, il faut, comme dira énergiquement Diderot, « sabrer la théologie ». Mais comment vont-ils s’y prendre ?

Il n’y avait, semble-t-il, pour les Encyclopédistes, que deux manières de combattre le catholicisme ; la première et la plus simple était de critiquer nettement ses dogmes, puisqu’on les jugeait absurdes et de flétrir sans ambages son histoire puisqu’on la trouvait pleine de crimes et d’impostures. Seulement une attaque aussi directe était pleine de périls, non pour la place attaquée, mais pour les assaillants ; c’était, à courte échéance, pour l’Encyclopédie, la suppression ; et pour les Encyclopédistes, c’était la Bastille. Or, si les Encyclopédistes avaient à cœur, Diderot surtout, d’achever l’œuvre commencée, ils ne tenaient pas moins à vivre tranquilles ; leur courage, un peu trop vanté, n’avait rien de téméraire. Diderot voulait bien être « l’apôtre de la vérité[1] », mais jusqu’au martyre exclusivement. Après tout, disait Voltaire, « tout le monde n’a pas le même goût, pour être brûlé, que Jean Huss ou Jérôme de Prague. Les sages en Angleterre ne sont pas persécutés ; les sages en France éludent la persécution. Comme les Français ne sont qu’à demi libres, ils ne sont hardis qu’à demi[2]. »

Les Encyclopédistes estimaient donc, comme leur patriarche, que la paix

Est d’un prix aussi grand que la vérité même[3].

Mais pour vivre en paix, sans cesser pourtant de combattre l’Église, il ne restait qu’un parti à prendre : c’était de renoncer à toute polémique et de ne s’appliquer qu’à faire triompher la science : la foi aveugle eût peu à peu perdu tout ce qu’aurait gagné la raison scientifique. Seu-

  1. Grimm, II, 329.
  2. Voltaire à Botinelli, 24 mars 1760.
  3. Voltaire : Désastre de Lisbonne.