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égard, le sentiment des philosophes et qu’ils n’aimaient pas mieux « le fanatisme des prêtres que l’atrocité des parlements ». Et nous ne prétendons pas ici que les rois auraient dû se faire les instruments de leur haine contre l’Église ; nous ferons simplement remarquer que le clergé, à la fois par ses immenses richesses et par son absolue soumission à un chef qui n’était pas le roi de France, avait conquis une indépendance qui commençait à inquiéter la royauté[1]. On le vit bien lorsque le gouvernement se décida à frapper les jésuites : c’est apparemment parce qu’il en avait peur. Or les philosophes, en demandant que le clergé contribuât aux charges de l’État autrement que par un don gratuit, et en répétant sur tous les tons que la puissance spirituelle devait obéir à la puissance temporelle ou plutôt qu’il ne saurait y avoir, dans l’État, deux puissances rivales, travaillaient à la fois à enrichir et à fortifier la royauté : « Je dirais volontiers à un prince : ayez une armée nombreuse à vos ordres et vous réduirez à la simple condition de citoyens ces hommes de droit divin qui opposent sans cesse leurs chimériques prérogatives à votre autorité ; vous reprendrez ce qu’ils ont extorqué de l’imbécillité de vos prédécesseurs ; vous restituerez à vos malheureux sujets la richesse dont ces dangereux fainéants regorgent ; vous doublerez vos revenus sans multiplier les impôts ; vous réduirez leur chef orgueilleux à sa ligne et à son filet ; vous aurez l’abondance et la paix et vous régnerez et vous aurez exécuté de grandes choses[2]. »

  1. « Vos prêtres, écrivait Frédéric à d’Alembert, ont usurpé une autorité qui balance celle du souverain. » (Édit. Preuss, XXV, 226.)
  2. Did. XXV, 442. Joseph II projetant de réduire les riches abbés de ses États à l’observance du vœu de pauvreté : « Le César Joseph, écrit d’Alembert à Frédéric, ira plus sûrement à la gloire en s’emparant des biens du clergé qu’en s’emparant de la Bavière », et il voudrait pouvoir recommander à Louis XV lui-même « le coffre-fort sacerdotal et monacal ».

    Plus tard, vers 1790, Mirabeau écrira secrètement au roi : « Une partie des actes de l’Assemblée nationale, et c’est la plus considérable, est évidemment favorable au gouvernement monarchique. N’est-ce donc rien que d’être sans Parlement, sans corps de clergé, de privilé-