fléaux qui l’affligent : « la superstition et le despotisme qui couvrent la terre de misérables[1] ? » Nous verrons plus loin comment l’Encyclopédie a combattu la superstition ; voyons maintenant comment elle entend faire la guerre au despotisme, ou, plus généralement, quelles sont les idées politiques de l’Encyclopédie[2].
Une première remarque à faire, et très importante, c’est que tous ces projets de réformes, dont nous avons parlé, les Encyclopédistes ne font que les soumettre à l’attention du pouvoir et les recommander à sa vigilance ; ils n’écrivent qu’afin « d’éclairer le souverain et de le porter, par sa religion et sa justice, à réformer les abus. » Par exemple, c’est l’État qui doit améliorer la situation des classes pauvres : « Un bon gouvernement doit avoir principalement en vue le sort des journaliers. » Enfin ces lumières mêmes, que l’Encyclopédie s’efforce de faire luire, c’est l’État encore qui peut et doit les répandre, lui seul pouvant, à son gré, « resserrer ou étendre la sphère des lumières » et, par là, « hâter ou retarder l’heureuse révolution qui doit affranchir l’humanité du joug des préjugés. »
On peut dire même que leur Législateur idéal a le devoir de rendre les hommes non seulement heureux, mais vertueux ; la vertu étant en dernière analyse, pour eux, l’accord de l’intérêt particulier avec l’intérêt général, le véritable esprit législatif, dit Helvétius, c’est « l’adresse avec laquelle les Législateurs sauront lier l’intérêt parti-
- ↑ Encycl. : art. Malebranche.
- ↑ Voici, pour ce chapitre, nos sources principales : 1o Les opuscules politiques de Diderot, à savoir ; Fragments politiques, Principes de politique des souverains, Essai historique sur la Police (Revue historique, mai-août 1884), et la Politique de Diderot dans la Nouvelle Revue des 1er et 15 sept. 1883 ; 2o les articles de l’Encyclopédie. Au fond, il n’y a pas plus de système politique dans l’Encyclopédie que dans les œuvres de Diderot, lequel pensait que « les systèmes sont plus dangereux en politique qu’en philosophie. » Mais il y a, dans l’Encyclopédie et dans les œuvres de Diderot et de ses amis, des tendances politiques, des préférences pour telle ou telle forme de Gouvernement et de Société ; ce sont ces tendances, très nettes, et ces préférences, très marquées, que nous essayons de dégager et de mettre en lumière dans ce chapitre.